Nitrométhane: A consommer sans modération ?

steako

Nouveau membre
Il est universellement reconnu que pour nos petits moteurs thermiques à autoallumage (type glow) fonctionnant à base de methanol, l'adjonction de nitrométhane améliore grandement leur fonctionnement (régularité, stabilité des réglages) autant que leurs performances, au détriment d'une consommation plus elevée.

Afin de lutter contre les idées reçues et tenter de cerner les limites de ce qui est envisageable, j'ai procédé à quelques calculs, basés sur du carburant contenant 18% d'huile de synthèse, et un taux de nitrométhane compris entre 0% et 30% (3 cas: 0%; 15%;et 30%)

Contrairement à ce qui a été écrit dans le par ailleurs excellent dossier situé là (http://epervier.sudluberon.free.fr/) j'ai considéré que l'huile (de synthèse) avait vocation à participer à la combustion après avoir copieusement lubrifié les parties en mouvement sur son passage et que donc ni son pouvoir calorifique, ni son pouvoir comburivore (quantité de comburant requise) ne devaient être écartés des calculs de combustion.

Cette optique part de 3 principes:
1) la fumée bleue observée à pleine charge sur les moteurs bien réglés n'est pas due à l'absorbtion d'une substance hallucinogène dans l'assistance mais bien à la combustion d’huile contenue dans le mélange.
2) L'huile (de synthèse) est certainement de tous les constituants du carburant, celui qui fournit le plus d'energie (par kg) en brûlant et celui qui réclame le plus d'air (par kg) pour brûler.
3) Son pourcentage en volume retenu pour cette étude est de 18% (préconisation OS pour son 50 hyper helico), ce qui est loin d'être négligeable.

Pour ces trois raisons, j'ai pensé que négliger la combustion de l'huile (du moins à pleine charge, moteur chaud et réglé tip top) relevait d'une négligence plus que d'une approximation justifiée.

NOTA: Pour de l'huile de ricin, je reconnais que la faire brûler dans le moteur entraine de sérieux problèmes de calamine. Un réglage gras dans lequel l'huile traverse le moteur sans brûler ou à peine (libérant de la place au passage pour les autres combustibles ) est peut être pratiqué dans ce cas, enfin personnellement je trouve le ricin sans interet (sauf peut être en additif en quantité infime…1%..) depuis l’arrivée de l’huile synthétique pour micromoteurs.


Quoiqu'il en soit l'huile (de synthèse) possède un formidable pouvoir calorifique de 42 MJ/kg, contre 19,9 MJ/kg pour le méthanol et seulement 11.3 MJ/kg pour le nitrométhane.

Si on rapporte ça à la quantité d’air requise pour brûler (le facteur limitant dans nos moteurs atmosphériques dont la cylindrée limite la quantité de carburant brûlable), nous obtenons dans le meilleur des cas :

Méthanol : 3.98 MJ par Nm3 air comburant
Huile : 3.72 MJ par Nm3 air comburant
Nitrométhane : 8.63 MJ par Nm3 air comburant

Evidemment pour le mélange on prend les proportions (en masse héhéhé…) de chacun des constituants et c’est au prorata.
L’huile a donc un pouvoir energétique rapporté au cm3 de cylindrée qui est comparable à celui du méthanol.
Au demeurant c’est ce qui fait que les moteurs au gasoil ou au colza avancent !!!!

Revenons à nos moutons.

On remarque évidemment que l’intéret du nitrométhane est qu’il fournit 2.17 fois plus d’energie que le méthanol avec la même quantité d’air comburant.

Oui sauf qu’il ne faut pas négliger le volume du combustible dans la chambre de combustion d’autant plus que dans le même temps, la consommation a été multipliée par près de 3.81….

Avec des combustibles oxygénés tels que le méthanol ou à fortiori le nitrométhane on ne peut se permettre de négliger le volume occupé par leurs vapeurs (et donc non occupé par de l’air) dans une chambre de combustion de volume donné (notre chère cylindrée, fixée par construction) car les volumes occupés respectivement par carburants vaporisés et comburants (l’air) ne sont pas aussi éloignés que pour de l’essence par exemple.
Pour le nitrométhane pur on a un PCO = 1.310 nm3 d’air par kg de combustible. C’est du même ordre de grandeur question quantités et il n’y a vraiment aucune raison de négliger l’un des deux composants de la combustion…

Donc pour revenir à l’interet du nitrométhane (le sujet du post), et si on ne néglige plus la place qu’occupe le combustible vaporisé dans le cylindre, on obtient (je vous passe les calculs mais si ça interesse quelqu’un je peux développer):

1) 15% de nitro au lieu de 0% nitro,18% d’huile inchangé, et complément de méthanol :

Energie combustion : +5,2%
Consommation : +14,6%

2) 30% nitro au lieu de 0% nitro, 18% d’huile inchangé, et complément de méthanol

Energie combustion : +11.1%
Consommation : +31.5%

Bref le nitromethane ça double pas la puissance des moteurs et ça peut couter très cher…

Voila pour la théorie.. Mais en pratique, et je fais partie de ceux qui l’admettent, le nitro c’est bien plus d’apport que ça. Pourquoi ?

Tout simplement parceque cette étude ne tient pas compte de l’évolution du rendement du moteur suivant le taux de nitro. On ne s’interessait qu’à l’energie libérée par la combustion et non à l’energie disponible en bout de vilebrequin….

Un moteur sans nitro chauffe davantage, consomme moins, et est beaucoup moins puissant.

Hormis la consommation logiquement moindre avec moins de nitro (à cylindrée constante vus les calculs précédents), l’augmentation de température du moteur (culasse) traduit une baisse du rendement. L’énergie de la combustion est moins bien transformée en énergie mécanique (celle qui nous interesse), et l’excédent plus important l’est sous forme de chaleur.
C’est exactement ce qui se passe quand un moteur voit son point d’allumage décallé trop tardivement ou/et que son taux de compression est trop faible.

Trop tôt ça cliquette et détruit la mécanique, trop tard le moteur ne transforme plus la chaleur de combustion en travail mécanique, mais doit tout de même l’évacuer…..

J’ai lu ci ou là des théories sur le fait que le carburant nitré refroidissait mieux le moteur à cause de sa consommation supérieure, mais c’est archi faux . Là n’est pas l’explication.
En effet chaque kg de nitro brûlé produit 2.69 kg de fumée contre 7.44 kg pour le méthanol.
On voit bien que c’est pas le nitro qu’on ajoute qui va changer dramatiquement le volume ou la masse des gaz d’échappement et ce malgré la consommation supérieure….
L’explication du meilleur refroidissement moteur est à chercher ailleurs que dans l’évacuation des calories par le trou d’échappement…..
C’est juste que comme le rendement est sensiblement plus élevé, et bien le moteur évacue plus de chaleur de combustion sous forme de production d’energie mécanique, pour le plus grand plaisir de nos pales d’helico, nos crampons de buggies ou nos hélices de bateaux.

Les gains observés en puissance avec 15 ou 30% de nitro sont donc plus importants que les gains théoriques calculés précédemment en fait parceque sans nitro le moteur ne peut pas fonctionner de manière optimale sans surchauffer à cause de son piètre rendement.

Alors que faire ?

Solution 1 : OS, les japonais, les américains. On fait des moteurs prévus pour marcher à fort taux de nitro et qui exigent ce genre de carburant. Simplissime et pourri (consomme beaucoup, pollue donc beaucoup, coute beaucoup) et pervers (entretient le marché des carburants fortement nitrés)

Solution 2 : Refuser ce pis aller. Modifier les moteurs pour qu’ils puissent tourner à faible taux de nitro dans les meilleures conditions de rendement possible. Remonter le taux de compression, avancer l’autoallumage (bougies plus chaude…). Soigner le refroidissement avec de l’air et des culasses adaptées au lieu de dégueuler l’huile pour ça.
Et fin du fin, recourir à l’allumage électronique commandé.
Dans l’état actuel des choses, il est particulièrement regrettable que nombres de pratiquants (et de constructeurs) considèrent à tort l’huile comme un moyen de refroidissement et le nitro comme le moyen de passer plus de carburant (et donc d’huile) qu’on ne brûle même pas…..Alors qu’il y a tant à faire pour optimiser si on se penche un peu sur la qualité de combustion.
Pourquoi payer plus en carburant pour la pratique de notre hobby, et entretenir au passage l’industrie du nitrométhane (dont les seules unités de production sont en Chine et aux US ?)

En tout cas c'est pas étonnant que les aéromodélistes et en particulier les pilotes d'hélico (pour qui l'autonomie n'est qu'un problème secondaire) soient les dindons de la farce.

Les pilotes de voitures, qui perdent un temps fou à ravitailler en course ont tout interet à optimiser leurs combustion autrement qu'avec les méthodes bourrin d'outre atlantique qui doublent la consommation.
Espérons que leurs recherches bénéficiera aussi aux pilotes d'hélico car ça commence à faire cher l'heure de vol....
 
Puis-je poser une question de profane inculte, oh grand maitre? :p

Je pensais que le nitrométhane était un comburant (plus efficace que l'air) et non un carburant. D'ou la possibilité d'ouvrir plus le pointaux et d'avoir un rapport gaz/liquide différent et plus de puissance...

Mais je suis d'accord avec toi sur le problème des constructeurs qui ne se cassent pas la tête et préconisent des taux de nitro élevés. On est aussi un peu fautif à vouloir toujours la plus grande puissance possible, quelque soit le rendement! ;)

Nico
 
Bonjour,

Merci pour ces explications. Peut-on avoir le développement et éclairer quelques points comme la relation entre le rendement et le taux de compression en fonction du type de carburant utilisé avec et sans allumage électronique?

Merci encore pour ce post!

Tommot.
 
tommot à dit:
Bonjour,

Merci pour ces explications. Peut-on avoir le développement et éclairer quelques points comme la relation entre le rendement et le taux de compression en fonction du type de carburant utilisé avec et sans allumage électronique?

Merci encore pour ce post!

Tommot.
La relation entre rendement et taux de compression est donné par le cycle de Beau de Rochas auquel le fonctionnement des moteurs deux temps s'apparente ( à quelques approximations près):

On a rendt = 1-Rv^(1-gamma) ou Rv est le rapport volumétrique (obtenu par construction du moteur) et gamma le rapport Cp/Cv du mélange carburé
(considéré comme un gaz parfait).
Cela dit le rapport volumétrique ne peut pas être augmenté indéféniment sinon les températures dans la chambre de combustion sont trop elevées et détruisent le moteur.

Concernant l'influence du taux de nitro c'est très délicat à modéliser car on joue sur la cinétique (vitesse) de réaction chimique de combustion et il n'y a pas de formule simple pour ça. Il faudrait faire une étude en modélisation numérique CFD. MAis l'effet obtenu est sans equivoque.

L'allumage electronique ne fait rien d'autre qu'apporter la possibilité d'enflammer le mélange au moment opportun , en fonction du régime moteur et de sa charge à l'instant t.

En particulier pour un carburant faiblement nitré, cela permettrait d'allumer plus tôt qu'avec des bougies glow et remonterait le rendement (et donc la puissance fournie par le moteur)

Le moteur glow a l'énorme avantage de la simplicité et du cout réduit mais en contrepartie gaspille son carburant et réclame de surcroi beaucoup de nitrométhane relativement couteux pour un fonctionnement acceptable.
 
Haut